Sophie Van der Linden : « Lire des histoires dès la naissance est bénéfique pour les tout-petits »
Sophie Van der Linden : On entend parfois dire qu'il faut attendre un an ou que l'enfant parle pour lui lire des histoires. Des barrières persistent… Mais les enfants n'ont pas besoin de tout comprendre pour bénéficier pleinement d'une lecture. Quand un adulte lit à voix haute, il se met à parler une autre langue avec une musique, des rimes, des sonorités travaillées. Cette langue, très riche, est bénéfique pour les tout-petits, dès la naissance !
Faut-il aussi lui montrer les images du livre ?
On s'imagine que les bébés voient mal. Lors des premières semaines, ils voient surtout de près mais leur champ de vision s'ouvre peu à peu et ils voient net rapidement. Dès trois mois, un bébé est capable de regarder des images et même de discerner une figure sur un fond uni. Les enfants sont plongés dans un monde complexe et ils font un travail phénoménal pour se repérer mais ils ont la capacité pour le faire. Peu importe ce qu'on leur lit pourvu que ce soit une belle langue structurée et travaillée et c'est la même chose pour les images.
Y a-t-il des livres à privilégier plutôt que d'autres ?
Moi, je fais le choix de la littérature, y compris dès la naissance. Comment définir la littérature ? En 1964, Roland Barthes écrivait dans Essais critiques : « La littérature ne permet pas de marcher, mais elle permet de respirer. » Contrairement aux livres d'éveil, qui sont très bien, mais qui sont pleins d'intentions éducatives, la littérature commence lorsqu'on arrive à dépasser cette fonctionnalité du livre. Ces livres de littérature existent désormais pour les tout-petits. Ils racontent des histoires qui leur apportent des choses très profondes. Ils les accompagnent dans leur développement, dans la construction de leur personnalité et de leur psychisme.
Ces livres doivent-ils être forcément en carton ?
L'album cartonné permet aux enfants de manipuler seuls le livre sans l'abîmer, mais aussi sans qu'il se blesse. Mais à partir du moment où l'adulte montre au tout-petit le livre, il peut aussi choisir des albums en papier. Le papier - son odeur, son toucher - est tellement agréable. Ce serait dommage de les priver de ça.
Comment lire un livre à un bébé ?
Tant que le bébé ne tient pas sa tête, l'adulte peut lire et lui montrer le livre lorsqu'il est installé dans son transat. Lorsque le bébé se tient assis, l'adulte peut l'installer sur ses genoux ou s'asseoir à côté de lui pour regarder le livre ensemble. C'est une étape importante pour le bébé. Il sort de la relation bilatérale pour regarder avec l'adulte en direction du livre. Les premières fois, le bébé opère des allers-retours entre le livre et l'adulte pour comprendre ce qui est en train de se jouer.
Avez-vous des exemples d'albums de littérature pour les tout-petits ?
L'album cartonné Pomme, pomme, pomme de Corinne Dreyfus, paru en 2015, est un exemple très complet. Le graphisme est évident pour une lecture de l'image, le texte est dynamique et musical et l'histoire raconte le cycle végétal. Dès qu'on le lit, on voit l'effet, il y a quelque chose d'immédiat. Et s'il faut un deuxième, j'aime beaucoup Pas de loup de Jeanne Ashbé, paru en 2008. Jeanne Ashbé a réalisé des livres avec une esthétique plutôt consensuelle. À un moment donné, elle est allée plus loin dans sa réflexion et elle a conçu des livres plus graphiques pour les tout-petits. Ce qui est très impressionnant avec Pas de loup, c'est que dès un an, les bébés peuvent le lire tout seul. C'est comme une partition. L'album, par ses images en grand format, sa typographie très visuelle et ses onomatopées, emmène les tout-petits dans leurs premiers pas de lecteurs. Il est extrêmement bien conçu.
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