Avis du HCSP : les effets collatéraux de la pandémie sur les enfants
Les enfants relativement protégés de l’infection
Dans ce texte de 24 pages, rédigé en avril dernier, le HCSP rappelle qu’il donne son avis dans un contexte où, au regard des données disponibles, « l’épidémie à Covid-19 semble a priori épargner les enfants et ne les atteindre qu’exceptionnellement ». Des données confirmées jusqu’à présent par les sociétés de pédiatrie françaises et que nous avons relayées. En revanche, le HCSP pointe les conséquences collatérales de la pandémie sur la santé des plus jeunes en évoquant « le confinement prolongé qui est en lui-même un risque pour la santé et le bien-être des enfants ; la perception d’une épidémie qui épargne les enfants, en tous cas des formes graves, mais qui leur donne un rôle dans la transmission de la maladie ; et enfin les suites du confinement et de l’épidémie ».
Impacts sanitaires indirects de l’épidémie
Le HCSP souligne ainsi les impacts sanitaires indirects de l’épidémie de coronavirus chez les enfants. Pour lui, les premiers risques sont liés aux conséquences du confinement pouvant impliquer des « effets délétères » : troubles psychologiques, maltraitance, recrudescence des accidents domestiques, sédentarité accrue, exposition trop importante aux écrans ou des troubles du sommeil. Il craint aussi que la rupture des interactions sociales entraîne un sentiment de solitude et d’isolement pour le plus grand nombre et/ou du décrochage scolaire. Il s’inquiète également du défaut d’accès aux soins des familles pendant cette période (soit dans une volonté de ne pas surcharger les cabinets médicaux, soit dans la crainte d’y contracter le virus) et des conséquences socioéconomiques de la pandémie qui risquent d’aggraver la pauvreté, le chômage et les conditions de vie précaire. Enfin, le HCSP alerte aussi sur les « problèmes potentiels » liés à la sortie du confinement « qu’il importe d’anticiper ». Le retour à une vie normale représentant en lui-même « un défi sanitaire vis-à-vis des enfants ». Et d’insister sur la nécessité de prendre en compte « la vulnérabilité spécifique de certains enfants, notamment ceux en institution pour cause de handicap ou en foyers de l’enfance, mais aussi les mineurs non accompagnés ».
35 recommandations dont certaines à l’usage des pros
Pour limiter l’impact du confinement sur la santé des enfants et l’aggravation des inégalités sociales de santé, le HCSP a établi 35 recommandations. Elles s’appliquent pour les unes à la période du confinement, et pour d’autres à celle du déconfinement. Parmi ces recommandations, certaines s’adressent directement aux professionnels de l’enfance. Un tableau liste ainsi les « signes et éléments essentiels » auxquels ils doivent se montrer attentifs à l’issue du confinement et alerter les parents et/ou un professionnel de santé s’ils les observent.
Ces signes peuvent se manifester de différentes façons selon la nature de l’impact, détaille l’avis du HCSP dont nous vous présentons celles concernant spécifiquement les jeunes enfants :
« Impact psychologique : tout signe témoignant d’un mal-être, d’un repli sur soi, d’une tristesse, un isolement, un désintérêt pour les jeux ou les activités scolaires, qui peuvent être liés à :
- Des conséquences psychologiques du confinement : état anxio-dépressif, stress post-traumatique, dépression, violence exprimant un mal-être ;
- Le deuil d’un proche : sentiments de culpabilité d’être à l’origine de la transmission ;
- Une maltraitance, une négligence de la part des parents ou des violences intrafamiliales (…)
Impact somatique : toute possibilité d’une rupture des soins, de la prise en charge médicale et de la prévention pendant le confinement
- Séquelles d’accidents domestiques mal voire non pris en charge ;
- Ruptures de soins ou de prise en charge de maladies chroniques (diabète, maladies auto-immunes…) ;
-Signes physiques évoquant une maltraitance, une négligence de la part des parents ou violences intrafamiliales : blessures, marques, bleus, brûlures inexpliqués ;
- Régression de progrès psychomoteurs pour des enfants en situation de handicap ;
- Retard dans les vaccinations obligatoires et la prévention.
Comportements : toute modification des comportements acquise pendant le confinement et persistant à la fin du confinement
- Sédentarité et non reprise d’une activité physique de loisir ; (…)
- Utilisation excessive des écrans (…)
Conditions de vie familiale rendues difficiles du fait de la crise :
- Modification de la situation socioéconomique de la famille en lien avec les difficultés économiques : chômage des parents, difficultés financières majorées, perte d’un proche aidant. »
Mesures spécifiques pour enfants vulnérables et perspectives à moyen terme
Outre les recommandations applicables à tous les enfants, le HCSP consacre nombre d’entre elles aux jeunes particulièrement vulnérables « du fait de leur statut sociéconomique et/ou de leur santé, qu’ils soient en précarité sociale, mineurs isolés étrangers, atteints de maladies chroniques ou en situation de handicap ».
Il met également l’accent sur les « besoins de recherche » pour étudier « l’impact et les conditions du confinement sur la survenue à terme de :
- difficultés pyschologiques et de santé mentale,
- impact sur la nutrition, exposition aux écrans, activité physique,
-développement psychomoteur, relationnel, social et cognitif (…)
-inégalité sociales de santé. »
Suivi statistique et réflexion sur les politiques de l’enfance
Dans cet esprit, le HCSP insiste sur l’impératif de mettre en place un suivi statistique et de repenser l’organisation des politiques de l’enfance. Il considère en effet que les diverses initiatives menées jusqu’à ce jour pâtissent d’être « dispersées » : leur « multiplicité » souligne « le besoin de création d’une structure qui les coordonne. Le constat déjà noté d’une politique des enfants ni globale ni concertée se retrouve donc dans cette période de pandémie ». En l’absence de cette « attention explicite », le HCSP redoute que les enfants risquent de rester « invisibles ».
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