Pourquoi fêter (ou ne pas fêter) Noël avec les enfants accueillis ?
Pour les tout-petits c’est différent, comme l’explique Céline Méheut, puéricultrice qui a travaillé en secteur hospitalier puis comme directrice de crèche avant de devenir formatrice. « Noël n’a pas d’importance particulière pour les tout-petits. A 2 ans, ils commencent peut-être à y voir une signification seulement portée par la société et leur famille si elle le fête. » Car, faut-il le rappeler, certaines familles ne le fêtent pas du tout.
Une pratique loin d’être indispensable
Les crèches choisissent elles aussi de le fêter ou non, comme la crèche associative Les Souriceaux à Villeneuve d’Ascq qui ne célèbre aucune fête de manière générale et préfère ouvrir la crèche un vendredi après-midi par mois aux parents pour partager des temps de convivialité tout au long de l’année. Pour son directeur Jérôme Dumortier, faire Noël à la crèche répond avant tout à une volonté des parents. « Les très jeunes enfants sont seulement en train de découvrir le monde, ils sont très loin de Noël comme nous l’entendons. » Et préparer un spectacle ou des décorations particulières rajoute une charge de travail supplémentaire aux professionnels qui sont alors moins disponibles pour les enfants. « La crèche est un service, mais les parents ne sont pas là pour consommer. »
Comme le souligne notre chroniqueur Arnaud Deroo, thérapeute et formateur, certaines crèches organisent simplement un goûter de Noël en signe de partage. Céline Méheut, elle, fêtait Noël quand elle était directrice de crèche, mais en le recentrant sur l’intérêt de l’enfant et le sens qu’on peut lui donner. « Il faut plutôt y voir une occasion de leur proposer de nouveaux ateliers. L’idée n’est pas de plaquer le projet de la structure sur les événements, mais de se servir des événements pour apporter aux enfants du sens, de la compréhension et du plaisir. » Elle précise par ailleurs que préparer Noël trop tôt, faire durer cette période de mystère et de fête en crèche, n’est pas utile. « Dire aux enfants que Noël c’est dans deux semaines ou demain veut dire la même chose pour eux. Ils n’ont pas la même chronologie et temporalité que les adultes. Et surtout, ils ne ressentent pas le besoin d’anticiper. »
Adapter Noël au projet pédagogique
Cependant une grande partie des structures fêtent Noël, ou choisissent en tout cas d’en intégrer l’esprit pendant le mois de décembre. Il s’agit alors pour les professionnels de bien choisir les activités ou décorations tout en respectant le projet pédagogique initial et surtout d’en expliquer le sens aux enfants. Laïcité oblige, la présence d’une crèche de Noël n’est pas autorisée, ce que ne manquent pas de rappeler les mairies.
En revanche, le principe du calendrier de l’Avent donne lieu à de nombreuses idées. Ainsi à la crèche l’Orange Bleue de Rueil-Malmaison qui établit son projet autour de l’éveil aux 5 sens, chaque jour de décembre est l’occasion pour les enfants d’ouvrir une fenêtre, une porte, une boîte dans laquelle ils découvrent une expérience sensorielle différente : un jeu, une chanson… Et chaque jour les professionnels leur racontent la manière dont un pays fête Noël. Par exemple, en Australie, les enfants décorent le jardin. Les petits accueillis sont aussi invités à faire de la pâte à modeler à la cannelle, des sablés à l’orange... « Nous ne célébrons pas spécialement Noël, mais nous nous inspirons de l’esprit de cette fête », souligne la directrice Marie-Pierre Avril.
Les professionnels peuvent profiter de cette période pour faire écouter des chants ou des contes de Noël, mais sans s’y limiter. Et Noël ou pas, la neige est toujours un moment d’émerveillement pour les tout-petits, qui sont ravis de découvrir un nouvel élément.
Laisser aux enfants la liberté de créer
Grand classique, le sapin est lui aussi source d’activités. Par exemple, l’installer à nu dans l’entrée et proposer aux enfants de la section des grands de fabriquer chacun une boule de Noël qu’il pourra alors suspendre dessus. Mais imposer n’est pas constructif rappelle Céline Méheut. « Un des petits que j’accueillais à la crèche refusait systématiquement de faire la boule de Noël. Mais il a fait un dessin qu’il a pu accrocher au sapin et comme les autres il était fier de ce qu’il avait réalisé et d’avoir participé. C’est la seule chose qui compte. » La plupart des professionnels s’accordent sur ce point : on ne demande pas aux tout-petits de produire quelque chose, on leur propose, non pas pour leurs parents, mais d’abord pour leur plaisir. Ils veulent déchirer leur dessin ou l’offrir à quelqu’un d’autre ? C’est leur choix !
La visite du Père Noël déconseillée
Une pratique fait beaucoup débat, la venue du Père Noël qui laisse dubitatifs certains professionnels. Pendant plusieurs années Céline Méheut en faisait venir un dans sa crèche avant de décider d’arrêter. Elle a constaté que cela engendrait plus de peurs et de pleurs chez les enfants que de satisfaction. « Avec notre vision d’adulte, on ne voit pas le mal bien sûr. On pense que ça va les rendre encore plus heureux. Mais on a tout faux ! On ne doit pas les obliger à accepter et encore moins monter sur les genoux de cette figure inconnue qui débarque et les angoisse. »
Et tous les parents ne parlent pas du Père Noël à leurs enfants. « Parfois, quelle que soit la population, la mairie a décidé qu’un Père Noël passerait dans tous les EAJE de la ville, regrette Arnaud Deroo. Mais s’ils sont fréquentés par une majorité de familles ayant des cultures qui n’incluant pas ce symbole, quel sens cela a-t-il de le faire venir ? »
Fêter Noël en crèche n’est donc ni choquant, ni obligatoire. Seule condition : lui donner du sens pour les professionnels comme pour les enfants, en respectant leurs perceptions individuelles de cet événement.
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