PARLER Bambin, des professionnels appellent à la prudence
Une pression préscolaire supplémentaire
Dans l’ouvrage collectif « Y-a-t- il encore une petite enfance ? » (Eres, 2013), la psychanalyste et psychologue Sylviane Giampino faisait déjà ce constat de notre époque : « Dans les outils de prévention des difficultés du langage (…), grandir s’entend de plus en plus au sens de suivre un développement progressif, linéaire, adaptatif, normé. Alors grandir se valorise le plus souvent quand l’enfant adopte des attitudes, jeux et langages attendus par les adultes ». Avec PARLER Bambin, on attend manifestement des petits pré-élèves de 2 ans, qu’ils acquièrent, dès la crèche, un niveau de langage satisfaisant pour éviter tout retard d’acquisition en maternelle. Retard qui laisseraient présager l’échec scolaire et la désinsertion... La Fédération des Orthophonistes de France (FOF) s’inquiète dès lors d’un risque de pression préscolaire et du non respect du rythme de développement de l’enfant. Certes la méthodologie repose sur une base scientifique et emprunte beaucoup à des études qui ont fait leurs preuves outre-Atlantique. Mais « notre société n’est pas comparable comme ne le sont pas les conditions d’accueil des tout petits » soulignaient ces professionnels du langage dès 2016. Le repérage précoce de « petits-parleurs » et leur évaluation, prévus dans le dispositif, ont alerté les spécialistes, pour qui PARLER Bambin tient plus du programme d’entrainement que de la prévention prévenante. « Il nous faut à la fois savoir repérer les enfants qui sont sévèrement entravés dans leur développement pour leur apporter toute l’aide nécessaire, mais aussi savoir respecter les rythmes individuels, avec leurs à-coups » souligne Pas de 0 de conduite.
Ne pas trop pédagogiser l’entrée dans le langage
Ce collectif de spécialistes de la petite enfance regrette que PARLER Bambin s’appuie sur une vision réductrice du langage, dont l’acquisition dépendrait uniquement de stimuli extérieurs. Pourtant, affirment-ils, entrer dans le langage et la parole, c’est « entrer en relation, bien plus que simplement désigner des objets ou des actions » sur un imagier. L’acquisition des mots se fait aussi à travers le désir de relation avec l’autre, en partageant avec d’autres le plaisir ou le déplaisir, dans le jeu, le chant, les comptines et le rire… Les ateliers de langage de PARLER Bambin, proposés jusqu’à trois fois par semaine aux « petits-parleurs » ne pousseraient-ils pas à « trop pédagogiser l’entrée dans le langage » ? Là encore, Pasde0deconduite tient à mettre en garde les professionnels : à trop vouloir cadrer et stimuler le langage des tout-petits, notre anxiété nous pousse vers une sur-stimulation précoce et anxiogène, « au risque de fabriquer des hyperactifs, à un âge ou l’hétérogénéité des parcours de développement est très importante. » Face a ces critiques, les soutiens de PARLER Bambin semblent ne pas comprendre et n’ont de cesse de relativiser ces inquiétudes.
Quand le professionnel devient exécutant
Dans les structures d’accueil, l’arrivée de PARLER Bambin a souvent permis aux équipes de repenser leur projet pédagogique, de réfléchir à son application en remobilisant chacun sur la question du langage. Une réflexion sur les pratiques pourtant limitée par la méthodologie imposée par le dispositif. Certaines Educatrices de Jeunes Enfants (EJE) et responsables de structures déplorent que la formation ne cherche pas « à s’appuyer davantage sur les compétences des professionnels mais plutôt à les confiner dans un rôle d’exécutant, qui sera à son tour évalué. » De fait, les professionnels semblent « perdre de leur spontanéité pour se conformer au modèle enseigné. » Un positionnement qui met mal à l'aise Elodie Cuvillier (FNEJE 38) : « Ce dispositif nous met dans une position de « sauveurs » qui ne nous revient pas. Nous ne sommes pas des soignants, nous ne sommes pas là pour détecter des troubles », affirme-t-elle. Enfin, les structures qui ont adopté PARLER Bambin n’ont pas vu leurs effectifs augmenter pour mettre en place les ateliers de langage, sur des plannings déjà bien chargés. S’il y avait une idée à mettre en œuvre pour assurer un meilleur accompagnement de l’enfant dans son individualité, dans son développement psychique et cognitif, tous s’accorderaient à voter pour un meilleur taux d’encadrement !
Je suis très surprise des propos tenus dans cet article. Surprise car manifestement le dispositif PARLER BAMBIN n'est pas connu par cette personne. Les ateliers qui font grand bruit (sans que personne ne soit venu échanger avec nous directement sur le sujet) ne sont qu'une partie de ce dispositif et ne sont pas ce que la caricature essaie de diffuser. C'est un moment de plaisir partagé. Et il y a le LANGAGE AU QUOTIDIEN et la COOPÉRATION AVEC LES PARENTS qui font partie de ce dispositif.
C'est assez peu nous faire confiance et irrespectueux : NOUS SOMMES AUSSI des PROFESSIONNELS PETITE ENFANCE responsables, qui accueillons chaque jour les enfants dans le respect de leur rythme. Nous ne sur-stimulons pas, qu'on se le dise et se le répète. Par exemple, au lieu de faire des enfants "hyperactifs", les ateliers leurs permet au quotidien de se poser, de s'exprimer par la parole. Nous travaillons sur notre manière de nous adresser à l'enfant en lui laissant sa place d'interlocuteur à part entière.
Comment se voiler ainsi la face devant les inégalités sociales?
Comment parler de régression des pratiques alors que les équipes formées (sur 6 mois) mettent l'enfant (chaque enfant) au cœur du collectif, interagissent au quotidien avec chaque enfant, réfléchissent sur leur posture professionnelle (et oui les professionnels réfléchissent!) D'ailleurs le volet Recherche du dispositif s’intéresse à l'évolution des pratiques professionnelles aussi.
Il n'est effectivement pas question de faire du copier-coller avec ce qui se passe dans d'autres contrées, c'est pourquoi nous travaillons en réseau et nous réfléchissons (encore) et affinons à chaque formation donnée notre dispositif.
Je n'ai pas à me justifier, ni à relativiser mais je veux juste expliquer ce que nous faisons dans l’intérêt de chaque enfant que nous accueillons. Je ne me permets pas, moi de juger d'une pratique professionnelle sans avoir vu, échangé avec les collègues qui la mettent en place. Quant au taux d'encadrement, nous sommes sur ce point d'accord mais il ne suffit d'être en nombre, il faut également être formé.