Classes passerelles : 4 questions à Elisabeth Laithier de l'Association des Maires de France
Elisabeth Laithier : Les classes passerelles ont été créées en 1990 dans le but de faciliter la scolarisation des enfants qui n’avaient pas fréquenté de modes d’accueil collectif ou qui venaient de milieux défavorisés. Pour nous élus, elles représentent une excellente réponse à l’accueil des enfants de 2 à 3 ans, car elles sont à mi-chemin entre la crèche et l’école. C’est un dispositif assez souple et partenarial puisqu’il implique différents acteurs (la mairie, l’école, la CAF…). En revanche, les classes passerelles ne doivent pas décharger les crèches : elles sont là pour permettre à des enfants isolés de se sociabiliser. Les enfants de familles défavorisées ou vivant dans des milieux ruraux où il n’y a ni crèches ni haltes-garderies. Elles ne doivent pas devenir obligatoires, car les communes n’ont pas les moyens d’accueillir tous les enfants de moins de 3 ans et on ne peut pas non plus l’imposer aux familles.
Qu’est-ce qui est le plus coûteux pour les communes ?
Le premier frein à la mise en place d’une classe passerelle c’est l’investissement financier qu’il faut faire pour aménager les locaux de l’école dans laquelle elle va s’installer. Parce qu’accueillir un enfant de deux ans ce n’est pas la même chose qu’accueillir un enfant de trois ans. Il faut penser par exemple à la gestion du change puisque tous les enfants de deux ans ne sont pas propres. Cela demande du matériel supplémentaire : tables à langer, couches, produits de soin... Les enfants de deux ans ont également des rythmes de sommeil particuliers et ont besoin d'espaces de repos avec des couchages adaptés. Et il faut prendre en compte l'organisation des repas, différentes pour ces tout-petits qui ne mangent pas tout seuls : les réfectoires des écoles maternelles n'offrent pas nécessairement un espace suffisant pour des enfants accompagnés de professionnels. Cest bien la collectivité qui prend en charge tous ces aménagements.
L'autre problème est de pouvoir recruter un personnel formé.
Aujourd’hui, une classe passerelle requière la présence d’un EJE pour accueillir les enfants en bas âge de manière adaptée car les enseignants ont une toute autre formation. Et cela peut être la commune qui les prend en charge. On sait aussi que les relations de l'enseignant avec l’EJE peuvent être compliquées au début car ils ne comprennent pas forcément leurs objectifs et leurs méthodes. Il paraît indispensable pour nous que les instituteurs soient formés à la petite enfance. Ils restent la personne de référence dans la classe. Et peut-être que s’ils étaient suffisamment formés, il n’y aurait pas toujours besoin d’un EJE en plus. Il faut repenser toutes les professions de la petite enfance pour obtenir des filières accessibles entre elles par des passerelles. Malheureusement il semble encore très difficile de décloisonner les métiers…
Pensez-vous que les classes passerelles vont réussir à se développer ?
L’Etat s’est bien rendu compte qu’il y avait de grosses disparités sur le territoire. A cet effet, la COG actuelle a voulu ouvrir 75 000 places supplémentaires en école maternelle. Un objectif loin d’avoir été atteint. Il vaut mieux avoir des ambitions réalisables. Le projet des classes passerelles mériterait d’être relancé mais ce ne sera pas possible tant que les communes n’auront pas plus de moyens. Or actuellement ils sont très limités partout en France. Je regrette aussi que l’AMF n’ait pas été plus consultée au sujet des classes passerelles, alors même que les communes sont les premières concernées par leur création.
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