Libérons les « doudous » ! ParJean-Robert Appell
Educateur de jeunes enfants, formateur à L'association Pikler-Loczy
Le « doudou » est souvent associé à l’objet transitionnel dont parle Winnicott, objet qui ferait le lien entre la mère et l’extérieur. En fait, pas toujours et il est parfois difficile pour les adultes de définir ce qui est un objet que l’enfant a investi psychiquement dans cette fonction et un objet qu’il ballade par habitude ou peut-être parce qu’il a intégré que cet objet est important pour les adultes… L’objet transitionnel peut être tout autre chose comme une gestuelle, l’étiquette d’une peluche, quelle que soit la peluche. Bref, ce concept est à manier avec prudence.
Pour les professionnels, à travers l’observation de l’enfant, il est aisé de repérer l’objet qui rassure l’enfant, qui lui apporte du réconfort et qui lui permet de « s’auto- consoler », cette dernière idée est fondamentale, l’enfant peut développer ses propres ressources pour se rassurer, s’apaiser de façon autonome si bien entendu, il a pu faire l’expérience préalable d’être consolé par l’adulte. Lorsque l’enfant pleure, il arrive que le professionnel lui apporte son « doudou », c’est l’enfant qui décide de ce dont il a besoin et souvent, il a d’abord besoin de l’adulte, en aucun cas, l’objet ne remplace l’adulte. Le «doudou» a besoin d’être régulièrement «nourri/rechargé» des relations avec les adultes qui sont importants pour l’enfant.
Le « doudou » a aussi sa place dans le jeu de l’enfant, dans les jeux de dînette, dans les jeux de séparation retrouvailles, il peut revivre des situations difficiles ou tout simplement être en lien avec ses parents. Véritable espace transitionnel, il possède de multiples fonctions.
La peur des adultes est parfois la perte d’autonomie, si l’enfant reste agrippé à son « doudou », il ne joue pas, il reste dépendant et ne va pas vers le monde, il ne grandit pas. Préoccupation légitime pour les parents. C’est le contraire, cet objet permet à l’enfant de réguler ses émotions, de développer de l’indépendance et sa capacité à être seul… en présence de son « doudou », ce qui lui permet de se relier à lui-même, à ses parents. Le « doudou » est un appui qui permet à l’enfant de faire face à la séparation. Lorsque l’enfant reste « agrippé » à son doudou et joue peu, la question n’est pas de le lui enlever mais de comprendre, de l’accompagner, il nous montre de l’insécurité. L’agrippement au « doudou » est plus un symptôme que le problème. Un enfant qui va bien, le retrouve de temps en temps, s’en sert dans son jeu avec plaisir mais peut s’en passer aisément s’il est sûr de pouvoir le retrouver quand il en aura besoin.
Libérons les « doudous », sortons-les de leurs casiers, de leurs panières, des lits dans lesquels ils sont enfermés. Donnons- leur de l’air et permettons aux enfants de les retrouver quand ils le souhaitent.
Le « porte doudou » est parfois utilisé dans certaines structures d’accueil, il est confectionné avec des pochettes individuelles, pour l’avoir utilisé sur le terrain, je trouve que ça fonctionne pas mal, les enfants développent de l’autonomie. Au début, lorsque le « doudou » semble délaissé, nous prévenons l’enfant que nous le mettons dans sa pochette, il va rapidement le reprendre, quand il a vérifié que son « doudou » est toujours à portée de main, il se permet de le laisser dans la pochette. Le « doudou » peut aussi sortir dans le jardin, il a besoin de prendre l’air, l’enfant peut en avoir aussi besoin dehors.
Au fait, combien d’adultes trimballent dans leurs poches ou leurs sacs un objet fétiche ?, Combien sont mal lorsqu’ils perdent leur téléphone portable ?
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