Développement psychologique de l’enfant : les principales étapes

Rappel avec le psychologue-psychanalyste Harry Ifergan*, des grandes étapes majeures du développement psychologique  de l’enfant. Des indications précieuses pour des pros parfois déroutés par le comportement des tout-petits qu’ils accueillent. Mais tout s’explique ou peut s’expliquer, ou en tout cas ces repères peuvent aider à mieux comprendre les phases que le jeune enfant traverse de sa naissance à 4 ans.
À six semaines, le premier sourire intentionnel apparaît et prouve que l’enfant est en interaction avec l’autre.
À huit mois, il ressent qu’il existe individuellement et qu’il n’est plus en fusion avec sa mère.
À neuf mois, les premiers cauchemars peuvent survenir, signes de l’évidence que lui et sa mère sont deux êtres bien distincts.
Cette séparation symbolique lui indique qu’il est donc dépendant de ses parents. Et plus généralement des adultes. Ce manque d’autonomie et cette vulnérabilité l’atteignent au point de provoquer des cauchemars.

À partir de dix-huit mois : le début de la phase d'opposition
Jusqu’à trois ou quatre ans, l’enfant entre dans une phase dite d’opposition systématique à tout ce que ses parents ou « substituts de parents » c’est à dire vous les professionnels de la petite enfance, qui lui proposent ou lui imposent. Une bonne partie des « non » qu’il va énoncer constitue des tentatives de se démarquer des souhaits et des désirs de ses parents. Cela reviendrait pour lui à dire à l’adulte qui l’a en charge : « Toi, c’est toi et moi, c’est moi », une manière comme une autre d’affirmer qu’il existe à part entière et se distingue bien mentalement de ses parents.

Vers deux ans : toujours le "non" et les premières peurs
 Les premières difficultés d’endormissement apparaissent. L’enfant se met à avoir peur de s’endormir. Il a peur seul dans le noir, craint quelque chose mais sans même en avoir conscience, ne peut véritablement dire ce qu’il redoute car la raison de ses peurs est floue. Il refuse alors de se séparer de ses parents. Certains, à cet âge, connaissent des phases de cauchemars, ces troubles du sommeil correspondant précisément au fait que le caractère de l’enfant s’affirme de jour en jour. Il devient capricieux, exigeant et veut tout régenter. Or, autant il se prétend omnipotent dans la journée (et dit non à tout), autant, la nuit venue, il se ravise et se sent faible et fragile. Le souvenir des énervements et des crises qu’il a su générer auprès de ses parents l’envahit et inconsciemment, il se culpabilise et fait des cauchemars. Au matin, le cauchemar l’ayant « acquitté » de son fort caractère de la veille, il repart de plus belle et recommence à dire « non ! ».

Entre deux et quatre ans : l'individuation
L’enfant va réaliser un travail mental de tout premier ordre : l’individuation. C’est-à-dire la constitution de lui-même en tant qu’individu à part entière : un être indivisible, un et uni. Pour cela, il va appréhender tout l’univers qui le constitue : ses parents, sa maison, son doudou, ses frères et sœurs, son assistante maternelle, sa référente à la crèche, son institutrice de maternelle, ses copains, ses jouets, les joies et les peines qui l’animent, la jalousie les peurs etc., pour en faire quelque chose de cohérent, contenu en lui. L’image la plus réaliste pour représenter ce travail de constitution en un tout unifié est celle du puzzle. Rassembler les parties en un ensemble cohérent dans un cadre défini. Ce « travail » mental est essentiel pour la suite de l’organisation de la personnalité de cet enfant. En effet, c’est lorsque l’enfant ne parvient pas bien à réaliser ce « puzzle symbolique » qu’il y a un risque de morcellement de l’individu.
Trois exemples simples et caractéristiques de cet âge nous rappellent l’importance de cette superbe réalisation mentale.
• L’exemple du biscuit cassé : si, entre deux ans et quatre ans, on propose à un enfant un biscuit cassé en deux, il le refusera car il n’est pas entier ; cela lui rappelle la sensation de morcellement contre laquelle il lutte pour faire de sa personne un tout unifié.
• Beaucoup d’enfants, et principalement les filles, aiment faire des découpages et des collages de pièces de papier et carton de toutes formes. Ces patchworks sont la représentation du travail psychique interne qui les anime. « Couper/coller », n’est-ce pas justement, ce qui le caractérise ? C’est-à-dire rassembler des pièces éparses en un tout ?
• L’enfant n’est pas prêteur durant cette phase d’individuation. Prêter un de ses objets (doudou, jouet, etc.) reviendrait pour lui à s’amputer d’une partie de son capital. Or, ôter une pièce de son puzzle intérieur le fragiliserait, voire le détruirait. À cet âge, il est naturellement égocentrique, c’est-à-dire centré sur son ego.

À quatre ans : il devient un être social
D'autres difficultés d’endormissement apparaissent, plus élaborées que celles traversées à deux ans. En effet, son intelligence progresse et il parvient, cette fois, à mieux percevoir l’objet de ses peurs au moment de s’endormir. Il imagine des êtres humanoïdes ou des animaux venant lui rendre visite. Selon les enfants, ce peut être un fantôme, un monstre, un ogre, une sorcière ou plutôt le loup, un crocodile, etc. Là encore, les prétentions de toute-puissance auxquelles l’enfant aspire tant dans la journée, sont anéanties lorsque tombe la nuit et qu’il doit se séparer durant huit heures ou plus de ses parents protecteurs. Seul, dans le noir, allongé dans une position qui le fragilise et le rend vulnérable, il prend bien soin de revenir à la réalité : il n’est qu’un enfant, petit et sans force face à son assaillant (inventé de toutes pièces, par ses propres soins).
À cet âge-là, l’enfant apprend à dessiner. Il sait déjà tracer une boucle fermée sur laquelle il appose deux grosses taches pour les yeux et un trait maladroit pour la bouche. Ainsi, la première ébauche d’un visage humain apparaît sous ses doigts. Au fur et à mesure de son engouement pour le dessin, il va peu à peu représenter graphiquement des formes de plus en plus évoluées pour réaliser, en définitive, un bonhomme complet. L’enfant se représente le corps humain, son corps, celui de l’autre, et donc lui-même en société. C’est aussi par le dessin que cet enfant devient un être social.



*Spécialiste de l’enfance et de la parentalité, auteur de « Mieux comprendre votre enfant » de Harry Ifergan (Marabout Family)

 

C’est quoi un enfant qui va bien ?

Pour le psychologue Harry Ifergan, un enfant va bien psychologiquement est un enfant qui témoignera du « triptyque de bonne santé mentale » représenté par trois points essentiels : 1. Est-ce qu’il se nourrit bien ?
2. Est-ce qu’il dort bien et avec plaisir
3. Est-il de bonne humeur et se cela se voit- il ?

Article rédigé par : Harry Ifergan, psychologue, psychanalyste, auteur de "Mieux comprendre mon enfant".Marabout
Publié le 28 février 2016
Mis à jour le 17 octobre 2022